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Après (la condamnation), Cyrus Vance Jr. déclara: « Que vous soyez un musicien nominé aux Grammy Awards ou un adolescent armé d’un fusil par un ami, la justice se doit d’être juste et aveugle. » Cette phrase devrait faire peur à DSK.

Dominique Strauss-Kahn, inculpé d'agression sexuelle, de tentative de viol et de séquestration, a nié ce dimanche tous les faits qui lui sont reprochés. Il plaidera non coupable.

mardi 7 juin 2011

Accusé DSK #7 : un homme civilisé


L'invité de Télérama.fr
Un blog de Jean-Xavier de Lestrade

Accusé DSK #7 : un homme civilisé

Le 30 mai 2011 à 20h20
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Affaire DSK

   

Accusé DSK


"Et comme dans tout bon drame Shakespearien, celui qui monte jusqu’au sommet du pouvoir voit sa chute précipitée par le plus humble qui l’aura frappé sur sa blessure intime et invisible." Statue de Shakespeare dans sa ville natale Stratford - Photo:  ell brown (CC) (http://www.flickr.com/photos/ell-r-brown/3639696518)
Lundi 30 mai

Depuis le début de cette affaire, je suis profondément surpris par le nombre de gens qui, autour de moi, résistent toujours à envisager que DSK ait pu commettre ce que l’accusation qualifie de « tentative de viol ». Il y aurait comme une impossibilité à admettre qu’un homme de sa stature politique, de sa culture, de son éducation, de son intelligence ; qu’un homme côtoyant d’égal à égal les puissants de ce monde ; qu’un homme à qui la Présidence de la République française tend, grands ouverts, les bras ; qu’un tel homme donc se soit abaissé à perpétrer un crime infamant, odieux et dégradant.
Il y a dans cette image quelque chose de révoltant, d’inacceptable, qui révulse beaucoup de nos concitoyens. Parce qu’au plus profond de nous, nous voudrions toujours croire que l’on peut opposer culture et violence, civilisation et barbarie. Comme si nous nous accrochions désespérément à la croyance – ou à l’espoir - qu’il nous était possible d’ériger une digue entre nous et le « mal », entre nous et le « crime ». Mais c’est totalement méconnaître ce que nous savons depuis plus d’un siècle (à commencer par la « grande boucherie » de la première guerre mondiale orchestrée par deux nations extrêmement « civilisées »), à savoir que la barbarie ne s’oppose nullement à la civilisation, mais qu’au contraire, elle y est au cœur. Et l’affaire DSK nous renvoie, en cela, à la fragilité de notre condition humaine. Rien ne peut, fondamentalement, nous protéger de la violence (que nous la commettions, ou que nous la subissions).
Dans les années 90, j’ai beaucoup enquêté sur la criminalité sexuelle (réalisant trois films, dont l’un qui donnait la parole à des violeurs en série ne fût jamais diffusé) et le premier constat était d’une limpide évidence : c’est une criminalité qui traverse toutes les classes, sans distinction. Comme pour beaucoup de crimes… En revanche le deuxième constat était plus surprenant : c’est une criminalité qui se subit plus qu’elle ne se décide. Et c’est en cela qu’elle est singulière.
Imaginer un DSK (celui dont l’ambition était d’être choisi pour devenir « le meilleur d’entre nous ») incapable de se maîtriser face à une femme de chambre qui tente de fuir reste impensable pour beaucoup, mais pour moi, - passé le moment de stupéfaction -, c’est devenu très vite quelque chose de possible (n’est-il pas plus impensable d’imaginer la douce et cultivée Véronique Courjault poser sa main sur le visage de ses nouveaux nés pour les étouffer ?!). Je ne dis pas qu’il l’a fait (je n’en sais strictement rien), mais j’ai simplement le sentiment que c’est possible.

En attendant l’audience de la semaine prochaine, le petit jeu des communiqués entre l’accusation et la défense continue. Comme lors du week-end dernier, la défense a contre-attaqué en annonçant être en possession d’informations susceptibles d'«entamer gravement la crédibilité de la femme de chambre» guinéenne qui accuse DSK d’agression sexuelle. C’est ce que William Taylor et Benjamin Brafman ont écrit dans une lettre adressée au procureur Cyrus Vance. Dans le même courrier, ils se sont aussi plaints des « fuites incessantes dans les médias » et précisent qu’ils pourraient eux aussi « nourrir la frénésie des médias » en divulguant « des informations importantes », qui à leur avis porteraient « gravement atteinte à la crédibilité de la plaignante ».
Qu’on-t-ils trouvé ? Nous ne le saurons pas. Ni même d’ailleurs, s’ils ont réellement trouvé quelque chose. Mais il ne faut pas laisser le champ libre au procureur et, avant de se retrouver dans un prétoire, rendre coup pour coup. Néanmoins, je ne suis pas certain que les avocats de DSK réussissent à faire entendre leur voix. La simple menace de « nourrir la frénésie des médias » n’est pas suffisante, il leur faudrait fournir un début d’information que la presse ignore. Or, jusqu’à présent, tout ce que nous pouvons savoir sur Nafissatou Diallo est, au contraire, de nature à renforcer sa crédibilité. Il semble que le destin ait placé sur la route de DSK, une femme qui, à elle seule, pourrait prétendre à laver l’honneur de toutes les femmes bafouées, humiliées, discriminées, avilies… Analphabète, mariée à 15 ans, mère à 16 puis très vite veuve. Elevant une fille seule, elle connaît les douleurs du déracinement, la précarité des logements incertains et insalubres, la crainte des petits boulots sans lendemain qui suffisent tout juste à assurer le minimum pour sa fille. Son travail au Sofitel semblait être le plus rémunérateur et le plus stable qu’elle ait connu depuis son arrivée aux Etats-Unis. Et, d’après le témoignage de ses collègues, une de ses peurs profondes, était de perdre sa place si elle parlait…
Nafissatou Diallo et Dominique Strauss-Kahn… Il est difficile d’imaginer deux personnes aussi éloignées l’une de l’autre dans ce monde. Et comme dans tout bon drame Shakespearien, celui qui monte jusqu’au sommet du pouvoir voit sa chute précipitée par le plus humble qui l’aura frappé sur sa blessure intime et invisible.
Jean-Xavier de Lestrade, cinéaste de fiction et de documentaires, a notamment réalisé Un coupable idéal (Oscar du meilleur film documentaire, en 2002), Soupçons, Sur ta joue ennemie, Parcours meurtrier d'une mère ordinaire. Il a obtenu, outre l'Oscar, le prix Albert Londres, le Fipa d'or et d'argent, etc. Dans les années 1990, il a tourné un documentaire (“Viols et Châtiments”), sur les agresseurs sexuels, qui n'a jamais été diffusé en France. Il est un des très rares réalisateurs à avoir décortiqué par des documentaires intimistes (“Soupçons” et “Un coupable idéal”) les rouages complexes de la justice américaine.