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Après (la condamnation), Cyrus Vance Jr. déclara: « Que vous soyez un musicien nominé aux Grammy Awards ou un adolescent armé d’un fusil par un ami, la justice se doit d’être juste et aveugle. » Cette phrase devrait faire peur à DSK.

Dominique Strauss-Kahn, inculpé d'agression sexuelle, de tentative de viol et de séquestration, a nié ce dimanche tous les faits qui lui sont reprochés. Il plaidera non coupable.

mercredi 25 mai 2011

























16 MAI 2011 Dominique Strauss-Kahn est emmené au tribunal, à New York.
Julio Cortez / Keystone

Dominique Strauss-Kahn
Une tragédie française

Par Antoine Menusier - Mis en ligne le 18.05.2011 à 14:10

La presse française comme les milieux politiques, tous semblaient mesurer le risque d’un dérapage, mais tous se sont pliés à la «doctrine Mitterrand», un mutisme érigé en raison d’Etat. Les ressorts d’une tragédie, en cinq actes.


Acte I : L'exécution

Trop de tout. Trop d’intelligence, trop d’argent, trop de sexe. Ce dernier «trop» vaut, depuis dimanche 15 mai à Dominique Strauss-Kahn, sept chefs d’inculpation qui ont le tranchant du couperet: agression sexuelle, tentative de viol, séquestration, fellation forcée… L’infamie servie sur un plateau.
«VIOLEUR, DOMINIQUE STRAUSS-KAHN? VOILÀ UNE TERRIBLE CALOMNIE. SÉDUCTEUR INVÉTÉRÉ? C’EST UNE ÉVIDENCE.» Michel Taubmann, journaliste

La tragédie commence. Le lendemain, alors qu’on s’attend à une mise en liberté sous caution, la juge new-yorkaise Melissa Jackson, arguant d’un risque de fuite, ordonne le maintien en détention du directeur général du Fonds monétaire international (FMI) jusqu’à la prochaine audience, vendredi 20, devant un «grand jury» qui décidera de la tenue ou non d’un procès.

Filmé par les caméras, DSK a face à la magistrate cet air de petite mort qu’ont les personnes voyant approcher la grande. Ce n’est plus lui, c’est le visage d’un autre, retranché dans un vague insondable.

La veille, de nuit, sortant d’une garde à vue de trente heures au commissariat de Harlem, il apparaît aux yeux du monde, les mains menottées dans le dos, dans un décor de noir et blanc qu’accentuent ses cheveux gris, vifargent sur son teint hâlé de big boss de la «World Company».

On est chez De Palma, on entre chez Scorsese, on mitraille avec Sergio Leone. Les Ritals ont bâti la mythologie américaine au cinéma, un Français, juif d’Odessa et de Tunisie par ses aïeuls, apporte sa touche au récit. Le «vice» exhibé en place publique. Même Madoff n’a pas connu pareille humiliation. DSK nie tout. Sophocle ne meurt jamais.

Acte II : La chambre

Basé en temps normal à Washington, son lieu de travail, Dominique Strauss-Kahn descend vendredi 13 au soir au Sofitel, à Manhattan, non pas en mission pour le FMI mais à titre privé. Il loue en célibataire une suite à 3000 dollars dans cet hôtel haut de gamme où il a ses habitudes.

Il doit pendre, samedi à 16 h 40, l’avion pour Paris, avant de se rendre, dimanche, à Berlin pour un entretien avec Angela Merkel, puis lundi à Bruxelles à une réunion de l’Eurogroupe, au chevet des crises financières grecque et portugaise. Ses solutions expertes débloqueront la situation, veuton croire.

Rien de cela n’arrive. Des policiers new-yorkais l’appréhendent in extremis dans l’appareil d’Air France en partance. Une femme de chambre de l’hôtel, trois ans d’ancienneté dans l’établissement, donnant paraît-il toute satisfaction à ses employeurs, a déposé plainte contre cet hôte prestigieux qui aurait tenté de la violer sur le coup de midi.

Que sait-on d’elle? Elle s’appellerait Nafissatou Diallo, aurait 32 ans, serait originaire du Ghana ou de Guinée, habiterait un appartement dans le Bronx, élèverait seule sa fille de 16 ans, qui se prénommerait Dana.

Désormais introuvable, elle bénéficie de la protection policière accordée aux témoins. Face à un jury, «y a pas photo»: la parole d’une mère célibataire, immigrée, modeste, refaisant chaque matin le lit des «riches», pèse toutes les tonnes du rêve américain sur celle d’un Français «plein de fric», forcément arrogant, forcément pervers. Le pays du capitalisme compense moralement les misères matérielles de ses plus démunis.

L’inculpé se défend des faits qui lui sont reprochés, dit avoir déjeuné après avoir réglé sa note d’hôtel avec l’une de ses deux filles, étudiante à New York, où elle a un appartement. Il aurait été si simple qu’il y passe la nuit… Il n’y passera pas celle de samedi, ni celle de dimanche, ni les autres, comme le suggérait à la juge son conseil Benjamin Brafman, «l’avocat des stars», de Michael Jackson en 2004, pas le meilleur des présages.

Et la police américaine qui dit maintenant enquêter sur un autre cas de viol présumé impliquant DSK… Et les avocats du prévenu qui, selon le New York Post de mardi, auraient changé de ligne de défense, affirmant que la femme de chambre était consentante, qu’il ne s’agirait peut-être pas d’une relation forcée, les «preuves» d’un acte sexuel étant apparemment accablantes pour le Français.

Acte III : Presse française : Un ange qui ne passe pas

S’asseyant sur la présomption d’innocence, les tabloïds newyorkais rivalisent de titres chocs et gras. Ils tiennent là un personnage précédé d’une réputation de prédateur sexuel. Les attaques sont d’autant plus saignantes que le «client» est un «puissant». Un puissant qui, aujourd’hui, coule: DSK ou la femme de chambre du Titanique, pour détourner, d’une syllabe, le titre d’un film.

Alors oui, bien sûr, on peut se désoler en France du traitement médiatique infligé par les tabloïds d’outre-Atlantique à Dominique Strauss-Kahn, s’indigner d’une mise en scène judiciaire qui le jette en pâture aux voyeurs, mais on ne fera pas l’économie d’un questionnement sur le «silence» de la presse française quant aux agissements sexuels susceptibles de faire plonger un homme politique investi de hautes responsabilités.

C’est comme si tout le monde savait et que tout le monde s’était tu. Mais savait quoi? Et s’était tu sur quoi? En juillet 2007, le correspondant de Libération à Bruxelles, Jean Quatremer, avait indiqué sur son blog – et non dans les colonnes de son journal – que DSK, «dont tous les médias connaissent le goût pour une sexualité débridée, risquait des ennuis dans un pays qui ne plaisante pas avec la morale, en général, et le harcèlement sexuel en particulier».

Il évoquait les Etats-Unis et la liaison qu’entretenait le directeur général du FMI, marié à Anne Sinclair, avec une responsable du département Afrique du Fonds, Piroska Nagy. L’affaire éclatait au grand jour en 2008 et valait une enquête interne à Dominique Strauss-Kahn dont il sortait blanchi des soupçons d’abus de pouvoir et de favoritisme. Mais il avait eu très chaud. Reculait-on pour mieux sauter?

Fin avril, Dominique Strauss-Kahn, candidat pressenti à la primaire socialiste en vue de l’élection présidentielle de 2012, se confiait au quotidien Libération: il imaginait «une femme qu’[il aurait] violée dans un parking et à qui on promettrait 500 000 ou un million d’euros pour inventer une telle histoire».

Libé ne publie qu’aujourd’hui ces paroles troublantes, sans doute recueillies en mode «off». Le journaliste Michel Taubmann, auteur d’une biographie autorisée, Le roman vrai de Dominique Strauss-Kahn (Editions du Moment), sortie quelques jours avant la pièce tragique new-yorkaise, se veut visionnaire, mais pour mieux conjurer le sort:

«Violeur, Dominique Strauss-Kahn? Voilà une terrible calomnie. Séducteur invétéré? C’est une évidence qu’il n’a jamais eu la prudence de dissimuler pendant une longue période de sa vie.»

Or voilà, donnant raison au dicton de Jacques Chirac, «les emmerdes, ça vole en escadrille», qu’une ancienne affaire refait surface, dont Taubmann fait mention dans son livre. Tristane Banon, fille d’Anne Mansouret, candidate à la primaire socialiste, aurait été victime d’une tentative de viol de DSK en 2002. Le refoulé médiatique déborde du déni.

Acte IV : La doctrine Mitterrand

Savaient-ils leur idole en grand danger? On pense à trois copains de longue date de Dominique Strauss-Kahn, trois fidèles, des socialistes, totalement abattus par la «nouvelle»: Jean-Marie Le Guen, Jean-Christophe Cambadélis et Pierre Moscovici. Probablement, «comme tout le monde».

On touche ici à la «doctrine Mitterrand», celle du mutisme érigé en raison d’Etat et qui ne semble devoir souffrir aucune exception. L’ancien président, marié à Danielle Mitterrand, entretenait une compagne aux frais de la République, Anne Pingeot, avait eu avec elle une fille, Mazarine, dont l’existence fut longtemps tenue «secrète».

Cette séparation hermétique entre vie publique et vie privée, aux contours étendus, est peut-être en train de se briser en France avec le séisme DSK.

Certes, les amis, ce n’est pas fait pour cafter sur les galipettes extraconjugales du patron. Mais n’y a-t-il pas une différence entre garder le silence, somme toute légitime, sur les orientations sexuelles de chacun, les aventures amoureuses des uns et des autres, et se taire sur des comportements manifestement gros de risques en termes de répercussions sur l’action politique, l’image d’un pays et le fonctionnement régulier des institutions? Problème: où commence la pathologie? Faut-il des flics du sexe?

Acte V : Anne

Anne Sinclair est arrivée lundi à New York. «Dominique», elle l’aime et elle le croit innocent. Ses beaux yeux bleus de Chimène s’illuminent pour son Rodrigue et personne d’autre. Ils se sont unis en 1991 devant un rabbin orthodoxe de Sarcelles, elle, fille d’un marchand d’art fortuné, divorcée d’Ivan Levaï, lui, fils d’un conseiller juridique, marié précédemment deux fois, à Hélène Dumas, puis à Brigitte Guillemette.

Routine des familles recomposées. Anne et Dominique, le bonheur. Ils ont à peu près le même âge, la soixantaine. Ils possèdent un vaste appartement place des Vosges, à Paris, et un riad à Marrakech. Elle a craqué sur son charisme, son charme, son intelligence. Pour lui, elle a mis un terme à sa brillante carrière de journaliste télé et le verrait bien, dit-on, dans un an à l’Elysée. Le «reste», ça leur appartient, écrit Michel Taubmann dans sa biographie de DSK.

Le «reste», allusion aux infidélités conjugales de Dominique Strauss-Kahn, qu’elle lui passe apparemment. Elle sait ses faiblesses dans ce domaine, lui dont le père et le grand-père maternels couraient les jupons, n’en étant pas moins aimés de leurs femmes.

Les voilà réunis à New York, l’époux dans sa geôle de Rikers Island, sorte d’Alcatraz de la côte Est, l’épouse en liberté, mais séparée de l’être adoré. Il encourt jusqu’à 70 ans de prison s’il est reconnu coupable de l’ensemble des chefs d’inculpation.

New York, la ville où avait trouvé refuge le père d’Anne pendant la guerre, où elle est née en 1948, ce qui fait d’elle une Franco-Américaine. New York, la ville cosmopolite qui leur ressemble. La ville qui, maintenant, sonne la chute, peut-être définitive, de son mari.

On oublie l’Elysée, on oublie la Porsche, on oublie l’accessoire. Seul reste un homme aux facultés intellectuelles impressionnantes, aux compétences reconnues, un rare partenaire de l’Allemagne, lui que son père, juif alsacien, avait initié très tôt à la langue de Goethe, après la guerre, recourant aux services de «Mademoiselles» allemandes, appelées dans le foyer familial d’Agadir, face à l’Atlantique, au Maroc. C’était l’enfance.

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